Fermons les yeux. A l’air libre nous pouvons ressentir la moindre brise qui vient parcourir notre corps, effleurer notre peau.
Nous inaugurons ici une série d’articles consacrée aux 5 sens avec le toucher, qui est l’un des tout premiers sens à apparaître chez l’être humain, et aussi le dernier à nous quitter.
Le toucher est le fondement de notre perception parce qu’il est la clé de la conscience que nous avons de notre propre corps.
Voici quelques éléments pour approfondir ce sens sous-développé que nous avions déjà évoqué ici dans un précédent article.
Comment se développe le toucher
La somesthésie est l’ensemble des sensations transmises par le contact de notre corps (pression, chaleur, douleur etc…). Avant même notre naissance nous avons baigné dans le liquide amniotique à l’affût des premières perceptions grâce aux capteurs tactiles qui couvrent progressivement notre enveloppe corporelle dès le troisième mois de grossesse. On peut commencer à parler de véritable « sensation » à partir du septième mois lorsque chaque stimulus tactile sera communiqué instantanément au cerveau via la moelle épinière. La naissance provoque un violent changement de milieu pour le bébé qui cherche alors à retrouver une chaleur protectrice dans cette nouvelle vie aérienne.
Pleinement fonctionnel dès la naissance, le toucher s’avère être le sens le plus développé. On peut observer très tôt un réflexe d’agrippement lorsqu’on touche la paume d’un nourrisson et le voir tourner la tête du côté où l’on touche son visage. Il faut avouer qu’il s’agit là de zones les mieux dotées en terminaisons nerveuses. Car lorsqu’on observe la répartition des zones corticales sensorielles, mains, pieds et bouche sont les parties les plus sensibles de notre corps.
La main occupe à elle seule presque la même surface que tout le reste du corps, reflétant l’importance des informations qu’elle transmet au cerveau et le poids de ce couple cerveau-main dans notre existence. Les paumes des mains comptent environ 250 terminaisons nerveuses au cm2. De même, la pulpe de nos doigts s’avère extrêmement sensible.
Notre peau pour être au monde
Au fil des mois, grâce au toucher et aux différents récepteurs de ses muscles et articulations, l’enfant peut percevoir son propre corps et comprendre qu’il le pilote lui-même. Dans son esprit se dessine alors l’idée qu’il est une personne unique. Les sensations fournies par le toucher l’aident à développer une image de son corps, de ses limites, de sa position dans l’espace, bref l’image de son “être”.
Se relier aux autres par le toucher
Le toucher nous communique une foule d’informations précieuses et variées : le relief subtil d’une texture, sa dureté, son poids, sa température, sa forme, sa densité. Il nous informe de la pression exercée sur notre corps. Par lui enfin, transitent les sensations de douleur ou les sensations agréables. Le toucher est impliqué dans tous les aspects de notre existence : l’exploration, la reconnaissance, le mouvement, la préhension des objets et même la nutrition. Cependant, il joue également un rôle vital dans notre vie émotionnelle et relationnelle. Il constitue un moyen de communication qui nous permet d’entrer en relation directe avec les autres.
Le toucher source de bien-être
Contrairement à la perte des autres sens, la stimulation tactile est fondamentale. Une privation des stimulations somesthésiques provoque des troubles psychologiques majeurs et durables. Des expériences ont mis en évidence des effets insoupçonnés. Ainsi, l’on a observé que les bébés privés de contact tactile souffraient de problèmes de développement, y compris lorsque leurs besoins physiologiques étaient parfaitement satisfaits. En effet, la présence physique des parents rassure le nouveau-né. Or elle agit également sur son organisme : elle renforce son système immunitaire, déclenche la production d’hormones telles que l’ocytocine, hormone de l’attachement et du bonheur sécrétée par l’hypophyse, ainsi que des hormones de croissance. Elle réduit de surcroît son niveau d’hormones de stress.
Dans le même sens, des études ont démontré les bienfaits du contact peau à peau, selon la méthode Kangourou introduite en 1978 sur les prématurés et préconisée depuis par l’OMS. On a vérifié que ces nouveaux-nés subissaient moins d’infections, prenaient plus de poids, et montraient un rythme cardio-respiratoire plus stable.
Explorer son environnement en touchant
Lors des premières années de notre vie, le toucher est un des moyens favoris de l’enfant pour aller à la découverte de son environnement. Il touche, il triture, pétri, porte à la bouche. Cette façon de faire disparaît progressivement. L’enfant délaisse peu à peu ce rapport aux autres qui passe par le toucher pour une communication plus complexe axée sur la parole, le verbal. Réfrénant ses premières aspirations, il devient un adulte qui fuit le contact. Il se coupe et se prive alors d’une source de bien-être essentielle.
Bien avant la crise sanitaire et la peur des contaminations, notre société moderne a mis à distance le toucher. Le contact physique est devenu l’apanage de la violence physique ou, à l’opposé, de la sexualité. Toucher l’autre est sans doute trop riche en émotions, cela nous dévoile et peut parfois nous effrayer. Les données biologiques sont les mêmes pour chacun(e) d’entre nous, pourtant l’aisance ou la gêne que l’on éprouve à toucher ou à être touché(e) est vraiment personnelle et marquée par notre histoire intime.
La redécouverte du toucher : le massage
Ces dernières années, le toucher a fait son retour après la mise en évidence par des études scientifiques de son pouvoir thérapeutique. Le massage déclenche des stimuli sensoriels transmis à l’hypophyse qui va sécréter plusieurs hormones, dont l’endorphine qui soulage la douleur. Outre des endorphines, le massage stimule la production de dopamine et libère de la sérotonine. Associé à d’autres techniques, le massage devient progressivement un allié dans la prise en charge de la douleur en milieu hospitalier. De surcroît, il améliore le transit, la circulation sanguine et le sommeil tout en atténuant l’anxiété. Il faut dire que nous associons naturellement le toucher à une intention bienveillante. Son fort pouvoir réconfortant est précieux dans un processus de guérison.
Parce que nous, adulte, avons laissé de côté notre sens tactile, il est important de reconquérir ce territoire et le plaisir que peut nous procurer ce sens. À commencer par des gestes de la vie quotidienne : façonner de l’argile en poterie, jardiner et manipuler la terre, pétrir une pâte à tarte, passer sa main le long de l’écorce d’un arbre, caresser un animal de compagnie, effleurer une étoffe. Sans parler du contact avec la peau, celle de l’autre, la sienne, se masser à l’aide d’une huile, d’une crème etc. On recense de nombreux massages de par le monde : thaï, suédois, californien, ayurvédique, shiatu japonais etc… A chacun ses bienfaits. Ces différentes traditions montrent une fois de plus à quel point les vertus du massage sont universellement reconnues.
Notre peau est la frontière qui sépare notre être du dedans du monde au dehors. La peau est également un lieu de mémoire. Rares sont les scientifiques à s’être penchés sur la question mais une étude d’universitaires allemands sur la mémoire haptique à long terme a mis en évidence la fiabilité du pouvoir d’identification grâce à notre seul sens du toucher. Ils ont prouvé que nous sommes capables d’avoir une reconnaissance extrêmement précise des objets, y compris dans le temps.
« Faites les gestes, et les sentiments entreront dans le cœur. » — Confucius
Alors, vous avez des anecdotes à nous faire partager ?
Quelles sont vos sensations préférées, ce qui vous touche particulièrement ?
N’hésitez pas à nous décrire une sensation que vous avez en mémoire liée au toucher.