La mémoire du corps

Lorsque nous pensons à notre mémoire, à nos souvenirs et à leur manifestation dans notre quotidien, la première image qui nous vient est celle de notre cerveau. Nous savons qu’il encode des données et les classe la nuit. Nous connaissons les processus biologiques à l’œuvre qui nous permettent de nous rappeler notre vie passée.

Nous savons cela de notre cerveau : il est le maître de la mémoire. Nos souvenirs n’existent que grâce à lui… Et si la réponse était plus complexe que ça ?

Un deuxième cerveau à l’oeuvre : le ventre

Les récentes études scientifiques nous indiquent que notre système digestif est lui aussi composé de millions de neurones. Le lien entre notre cerveau et notre ventre est ténu. Nous pouvons tous le ressentir au quotidien : nous souffrons en particulier dans notre ventre des émotions que nous traversons. Lorsque nous sommes soumis à un grand stress, un choc, une peur, c’est le ventre qui parle. Et lorsque nous sommes amoureux, il est plein de papillons !

On estime qu’un français sur deux est concerné par des troubles digestifs continus. Si cela peut être dû à la qualité de notre alimentation, nul doute qu’il est aussi question d’une mauvaise gestion des émotions… Nous ne savons pas les digérer, et notre corps nous fait savoir que quelque chose n’est pas réglé.

Le lien entre l’hypersensibilité et les maladies chroniques de l’intestin (Syndrome de l’Intestin Irritable, Maladie de Crohn…) sont de plus en plus mis en avant. Le choc – la survenue d’un traumatisme psychologique – fait d’ailleurs partie des premiers facteurs déclencheurs de ces affections.

Notre ventre se vide ou se remplit selon ce que nous ressentons. Nous mangeons nos émotions, nous maigrissons dans le deuil. Et lorsque nous sommes à nouveau face à une situation de danger, le ventre réagit avant même que nous puissions conscientiser de ce qui se passe.

Exercice :

Il y a une façon simple de savoir comment nous nous sentons. Si nous ne pouvons pas mettre les mots dessus, si nous ne savons pas bien, notre ventre ne nous trompera pas.

À la fin de la journée, prenons cinq minutes pour nous concentrer sur la zone entre le nombril et le sternum. Envoyons notre conscience là-bas, et sentons. Quelle sensation y est logée ? Est-ce lourd, léger, tassé, ouvert ? Y-a-t-il des choses en cours de digestion ?

Les traumatismes dans la peau

Toute personne ayant vécu un traumatisme le dira : lorsqu’elle est confrontée de près ou de loin à un élément qui lui rappelle ce qu’elle a vécu, son corps réagit immédiatement. Elle peut s’arrêter au milieu du trottoir simplement parce qu’elle entend quelqu’un élever la voix à côté, comme paralysée. Elle peut sentir sa peau blanchir, son ventre se tordre, voir ses membres trembler, ses poils se hérisser, se mettre à pleurer ou courir se réfugier en lieu sûr.

Une fois la crise passée, cette même personne vous dira qu’elle n’était pas maîtresse d’elle-même. Parfois, elle ne comprendra même pas l’élément déclencheur : “Pourquoi la vue d’un bout de tissu à carreaux me met-il dans cet état-là ? Pourquoi ai-je envie de le balancer au feu ? Qu’il sorte de ma vue immédiatement !”

Ici, c’est la mémoire du corps qui agit. Qui réagit, dans son instinct de survie. Nous savons que le cerveau encode les souvenirs. Pourquoi le reste du corps ne pourrait-il pas faire la même chose ? Nous avons tendance à oublier que notre cerveau FAIT partie de notre corps, qu’il est un organe au même titre que la peau, l’estomac… etc.

Un traumatisme inscrit, imprime dans notre mémoire corporelle que telle situation est dangereuse. Il peut aller jusqu’à rendre la personne défaillante, dans le sens qu’elle n’est plus maîtresse de ses émotions, envahie par des réactions intempestives et disproportionnées par rapport à la réalité. Des réactions physiques qu’elle ne peut pas contrôler. Ce n’est pas son cerveau qui commande, c’est son corps dans son intégralité.

La mémoire cellulaire

Si nous poussons cet état de fait plus loin, nous en venons à considérer que chaque cellule de notre corps est dotée d’une mémoire. On appelle cela : la mémoire cellulaire. De quoi est-elle constituée ?

Probablement de son rôle en tant que cellule servant au bon maintien du corps dans son ensemble. Elle sait ce qu’elle doit faire pour être en santé et le rester, vivre en harmonie avec les autres, constituer un organe précis… Ce qui est déjà fabuleux en soi !

Mais il se pourrait qu’elle soit également constituée d’une mémoire héréditaire et générationnelle. En effet, notre mémoire cellulaire découle de celles de nos parents, de nos grands-parents… etc. Les grands moments de leur vie, les conditions dans lesquelles ils ont vécu ont eu un impact qui s’est inscrit dans leurs cellules et dans leurs gamètes reproducteurs. En épigénétique, les chercheurs découvrent ainsi les conséquences d’un environnement donné sur l’expression des gènes qui sont “allumés” ou “éteints” par les expériences de vie et se transmettent ainsi.

Lorsque nous avons identifié quelles mémoires nous portons, une reprogrammation cellulaire peut être envisagée pour dissoudre celles qui ne nous conviennent plus et nous desservent. Il peut s’agir d’un terrain familial propice à la dépression, d’une peur irrationnelle d’être agressé.e qui oblige notre corps à être constamment sur le qui-vive… Nos cellules portent une immense mémoire, qui ne nous appartient pas toujours.

La mémoire collective et transgénérationnelle

Nous avons en nous inscrite une mémoire collective, ancestrale, et une mémoire singulière. Celle de nos ascendants, celle de notre histoire familiale. Notre corps possède la mémoire de notre Vie, dont chaque “morceau” est logé quelque part dans le corps.

Il arrive régulièrement que ces mémoires créent des blocages physiques et énergétiques, voire des maladies. On a sans cesse mal à la dent, mais médicalement, tout est OK. Au niveau de notre propre mémoire – celle qui nous appartient, régie par les souvenirs que nous avons vécu personnellement – tout est OK. Mais alors, d’où peut venir cette douleur ? On ne l’invente pas, tout de même… !

Qu’essaie-t-elle de nous dire ?

Il est probable que l’émotion et le souvenir cachés derrière cette dent appartienne à l’un de nos ascendants. Ce peut être de la colère face à une injustice qui n’a jamais été réglée et qui ressurgit, aujourd’hui, en soi. Pour guérir, une seule solution : accueillir, régler et transformer.

Il n’est parfois même pas nécessaire de comprendre, ni de mettre des mots. Lorsque je donne des séances de Body Mind Centering ©, je suis parfois confrontée à des personnes qui vivent de fortes réactions suite au travail effectué. Elles pleurent des torrents de larmes, elles expriment une colère harasante, elles rient à en perdre haleine d’autres fois… Pourtant, nous n’avons fait qu’entrer en mouvement. Nous avons expérimenter de laisser le corps s’exprimer pour se libérer et redresser son énergie.

La circulation de l’énergie et des fluides de notre corps provoque le relâchement d’un blocage ou le réveil d’une émotion enfouie, en lien avec un événement passé ou présent.

Exercice :

Lorsque nous dansons, des noeuds se desserrent, des liens se défont, des barrages cèdent sous le flot de nos liquides. Pour libérer les mémoires, faire circuler l’énergie librement, bougeons sans peur. Prenons un instant de solitude durant lequel nous sommes sûr.e de ne pas être dérangé.e. Choisissons la musique qui nous convient, sans jugement, quelle qu’elle soit.

Si c’est possible, fermons les yeux. Et laissons notre corps se mettre en mouvement, sans chercher à le contrôler. On ne fait qu’observer avec une profonde bienveillance pour soi. On le laisse faire.

Cela peut durer autant de temps que le besoin s’en fait sentir. Pour finir, couchons nous sur le sol et ressentons. Qu’est-ce qui a changé ? Si les émotions viennent, laissons-les sortir. Pleurons, chantons, hurlons, rions ! Nous libérons nos mémoires…

Le corps est extraordinaire, il est une mine d’informations et de conscience. Aviez-vous conscience de toutes vos mémoires ? Comment les libérez-vous dans votre quotidien ?

4 réponses

  1. Oui, ces réflexions résonnent bien en moi! Depuis quelque temps, je pratique quotidiennement les 5 rythmes. Je souhaite en particulier me laisser visiter dans des douleurs musculaires cou/épaules qui -je le sens/sais intuitivement- remontent à loin dans ma mémoire cellulaire. Merci pour ces lignes qui mettent des mots sur ce que je pressens.

    1. Bonjour Laurence,

      Merci pour votre partage. Ressentez-vous les bienfaits de cette pratique des 5 rythmes ?
      Revenir au corps, écouter ce qu’il a à nous dire et cheminer vers le bien-être, c’est en effet une pratique qui se veut quotidienne pour être efficace.

      Je vous souhaite de trouver la guérison et l’apaisement de ces douleurs handicapantes. Je suis heureuse si cet article a pu contribuer à vous éclairer !

  2. Hello Patricia,
    J’ai adoré cet article qui fait sens en moi, qui me parle. Ces derniers temps je me rends compte de plus en plus à quel point mon corps a emmagasiné une multitudes de choses. Très bloquées aujourd’hui, mais je me (re)mets doucement en mouvement, en l’écoutant plus cette fois-ci 🙂
    Cet article tombe à pic, car il me rappelle et renforce ce que j’ai pu lire au détour de recherches. Il m’apprend aussi à être plus bienveillante envers les maux physiques que je peux ressentir. Je vois maintenant cela plus comme un dialogue plutôt que quelque chose à vouloir à tout prix “éliminer”
    Merci !

    1. Bonjour Amandine,

      C’est EXACTEMENT ça : un dialogue plutôt qu’un combat. A chaque fois d’un douleur se fait ressentir, se poser avec elle. Écouter et ressentir SANS juger. Penser “Ok, je t’entends, quelque chose ne va pas et on va régler ça ensemble”. C’est la première étape, et parfois elle suffit… Quand on commence à plonger là-dedans, c’est fascinant ce qu’on découvre, c’est un voyage extraordinaire vers la compréhension et l’amour de soi !

      On peut se mettre en mouvement au quotidien très facilement : marcher 10 minutes par jour, danser sur une chanson le soir, faire une salutation au soleil si on apprécie le yoga… Des petits pas, à notre portée.

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